7. La Grande dépression des années 1930 s’avère favorable à la vie associative des agronomes

À la suite de la prospérité économique engendrée par la Première Guerre mondiale, la décennie de la fondation de la Corporation des agronomes du Québec est marquée par une sévère crise économique. Ce sont des années de misère, de faillites et de pauvreté. Tout porte à croire que cette situation difficile des années trente a été favorable à une vie associative intense de la part des agronomes de la province de Québec.

Pour apprécier la situation des années trente, il faut savoir que l’agriculture s’y engage dans un état de malaise. « L’agriculture est dans le marasme » vient de lancer son nouveau ministre, Joseph-Léonide Perron. (1) L’impression déprimante est atténuée par les espoirs nés de son nouveau programme d’envergure qui ne vise pas moins que la régénération de l’agriculture du temps, voire un retour à la colonisation.

Le Plan Perron « prône la concentration de la production, l’augmentation de la qualité. Il favorise le mouvement coopératif, et annonce la réforme de la Coopérative Fédérée, la ruralisation de l’enseignement primaire, le développement des cours abrégés agricoles, l’amélioration des conditions matérielles des écoles d’agriculture, la formation d’un comité d’étude des marchés, de la construction d’entrepôts, de la vente coopérative, etc. » (2)

Pour atteindre ses objectifs, le ministère de l’Agriculture du Québec se dote de quatre unités de services: agronomes, économie rurale, production animale et horticulture.

Le 29 novembre1930, l’agronome Adélard Godbout  devient ministre de l’Agriculture, à la suite du décès de Joseph-Léonide Perron. Il continue le programme Perron qui est l’œuvre conjointe de trois illustres agronomes: Louis-Philippe Roy, Henri-C. Bois et Stanislas-J. Chagnon.

Sources:

1 : J.-B. Roy, agr., Histoire de la Corporation des agronomes de la Province de Québec, 1937/1970, p.29

2: J.-B. Roy, agr., Histoire de la Corporation des agronomes de la Province de Québec, 1937/1970, p. 30

7.1 La vie professionnelle de Stanislas-J. Chagnon

Stanislas-J. Chagnon, agronome, réalise des études classiques et un B.A à l’Université d’Ottawa. Il poursuit des études agronomiques à l’Université d’Ames, Iowa et y obtient un diplôme de maîtrise en industrie animale;

1921-1927: Directeur de la recherche sur les porcs et les moutons à la Ferme centrale d’Ottawa;

1927-1950: En 1927, le ministre de l‘Agriculture du Québec, J.-E. Caron , le nomme assistant-chef de l’industrie animale. À la fin de l’année 1928, J.-L. Perron , devenu ministre de l’Agriculture, le nomme chef du service de l’industrie animale. En 1932, c’est au tour d’Adélard Godbout qui a succédé à J.-L.  Perron de le nommer directeur de la nouvelle Ferme-école de Deschambault, aujourd’hui le Centre de recherche en sciences animales de Deschambault (CRSAD). En 1936, le nouveau ministre de l’Agriculture Bona Dussault  lui ajoute la direction du Service des Agronomes. En 1940, il devient directeur l’École de laiterie de Saint-Hyacinthe et en 1945, il est  vice-président et gérant général adjoint de la maison W.H. Perron, à Montréal. 1950:  De retour à Ottawa, l’agronome Stanislas-J.  Chagnon prend la vice-présidence de la Commission de soutien des prix agricoles et finalement le poste de sous-ministre en 1955.

Source:

L’homme du mois, Monsieur Stanislas-J. Chagnon nouveau sous-ministre adjoint de l’Agriculture à Ottawa, Le Bulletin des agriculteurs, mars 1955, p. 13 et 80 à 82

https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2442029

7.2 La réorganisation des services agronomiques de 1933

Vingt ans après la nomination des premiers agronomes de comtés, le ministère de l’Agriculture fait une introspection et compare les résultats des agriculteurs québécois avec ceux de l’Ontario et de l’Ouest canadien. Il constate qu’il y a encore place à l’amélioration et urgence d’agir pour conserver et développer nos marchés. Il convient de procéder à une réorganisation du système agronomique dans la province.

En 1913, le ministère de l’Agriculture avait nommé cinq agronomes de comtés et leur avait donné la mission d’améliorer le sort des cultivateurs et le devoir d’organiser le relèvement économique des agriculteurs. Vingt ans plus tard, ils seront plus de 250 répartis dans 20 districts créés par le ministre de l’Agriculture Adélard Godbout , agronome.

« Les 20 districts seront dirigés par 30 agronomes régionaux qui seront aidés de 82 agronomes de comtés, de 50 inspecteurs de beurreries et fromageries, puis une centaine d’agronomes spéciaux et instructeurs. Tous les officiers d’un district sont responsables à l’agronome de ce district. » (1)

Pour en savoir davantage sur l’évolution de l’intervention des agronomes, la situation et la réorganisation des services-conseils en agronomie en 1933 et connaître la liste des agronomes par district, nous vous proposons un article du Bulletin des agriculteurs de mai 1933. Après avoir énoncé divers critiques et constats, l’auteur conclut en invitant les agriculteurs de la manière suivante: « Les agronomes sont à notre disposition, ils sont compétents pour nous être utiles; servons-nous-en. » (2)

Sources :

1 et 2: Oscar Gatineau, 250 techniciens agricoles au service des cultivateurs , Le Bulletin des agriculteurs, Volume 18–No 18, Montréal, 4mai 1933, p. 1 et 6

7.3 L’agronome et la colonisation (Le retour à la terre)

Il ne faut pas passer sous silence la contribution des agronomes dans l’effort de colonisation de nouveaux territoires agricoles à la suite de la crise économique de 1929. Des citoyens, en situation précaire, répondent à l’invitation du clergé et de l’État.  Ce dernier alloue des budgets à la construction de routes, au soutien de sociétés de colonisation et de l’aide matérielle et financière aux colons. Plusieurs agronomes, du sud de la Province, dont la région de Québec, ont prêté main-forte comme agronome-colon ou représentant de l’État.

À la suite de la crise économique de 1929, le gouvernement de l’époque ouvre à la colonisation les régions de l’Abitibi et du Témiscamingue et les comtés de Témiscouata, Rimouski, Matane, Bonaventure et Gaspé.

Après certains reculs dans les années 1920, le thème de la colonisation comme entreprise messianique redevient d’actualité dans le contexte de la crise économique de 1929 . Une partie des élites, dont les agronomes et le clergé reprennent les thèses de la colonisation défendues au siècle précédent; ils affirment que le système industriel constitue l’antithèse des idéaux de la nation. Avec des programmes comme le plan Vautrin de 1935, la population de l’Abitibi, passe de 23692 en 1931 à 64000, dix ans plus tard. (2)

« Du nom du ministre de la  Colonisation  de  la  Chasse  et  des  Pêcheries, Irénée Vautrin , le plan Vautrin,  qu’adopte  le  gouvernement  libéral  de Louis-Alexandre Taschereau ,  vise  à  soutenir  un effort de colonisation dans les régions éloignées du Québec. Dans le but d’offrir une alternative aux urbains qui sont affligés par le chômage, le gouvernement du Québec met sur pied un programme favorisant l’établissement de colons dans des régions éloignées comme l’Abitibi et la Gaspésie.  Cette aide prévoit le versement de subventions facilitant l’installation des colons sur des terres, ce que l’on perçoit comme une alternative au ralentissement de l’économie dans les villes.» (3)

Pour fixer définitivement le colon dans l’espace, on avait compris, comme le soulignait l’agronome J.-R. Gauthier en 1943, que « le colon ne devient vraiment cultivateur que par l’augmentation de son cheptel. Sa première vache l’attache à son lot, la dixième en fait un agriculteur ». (4) Après la mise en culture d’une certaine superficie, le colon devient propriétaire du fonds de terre et son lot devient légalement sa propriété, sous le vocable d’un lot patenté.

Nous vous invitons  à  lire l’histoire de l’agronome-colon  Joseph  La liberté, originaire  de  Sainte-Claire de Dorchester, qui a eu à s’occuper plus des affaires des autres que de ses propres affaires. Son apport de coopération a été significatif dans les coopératives de services et de travailleurs, l’Union catholique des cultivateurs, les Caisses populaires Desjardins, et les organismes paroissiaux. Il est récipiendaire de l’Ordre du Mérite agronomique en 1976 et de l’Ordre du mérite coopératif en 1958. (5)

Sources:

1 et 3: Adoption d’une loi provinciale encourageant la colonisation (usherbrooke.ca)

2: Ministère de la Colonisation

4: Maurice Asselin, La colonisation de l’Abitibi «un projet géopolitique», Thèse de maîtrise déposée au Département de Géographie de l’Université Laval, février 1982, p.145.

5: Joseph Laliberté, Conseil québécois de la coopération et de la mutualité.

6: Autre document en lien avec le sujet: Claude Dubé, La colonisation dirigée, Continuité, Érudit À la douzième minute de ce film de l’abbé Proulx, nous voyons l’agronome Laliberté qui essouche avec son bœuf.