17. Le rayonnement de la profession (1943-1952)

Au lendemain de la reconnaissance légale de la profession en 1942, les priorités deviennent le recrutement des membres, la revendication de salaires proportionnés, l’action agronomique technologique et la valorisation innovante ou rayonnement de l’acte professionnel et de la profession. Les agronomes de la Section de Québec jouent un rôle significatif dans la valorisation de la profession.

L’évolution des recettes monétaires de l’exploitation agricole au Québec, 1931-1961 me semble pertinent pour exprimer le changement au cours de la période de rayonnement de l’agronomie (1943-1952).

Avec la Deuxième guerre mondiale, l’industrialisation s’accélère et il en découle un retour à la prospérité avec la fin de la crise économique et du chômage des années 30. Le redressement économique se poursuit en agriculture, comme une suite à la participation à l’agriculture de ravitaillement des troupes. Cette prospérité, de guerre et d’après-guerre, coïncide avec une hausse de la productivité, la mécanisation accompagnée d’une tendance à la spécialisation, la superficie accrue des fermes et une diminution de la main-d’œuvre agricole. On entrevoit l’orientation prochaine de l’agriculture québécoise.

Les agronomes reçoivent des mandats en lien avec l’exode rural tels : le défrichement avec le programme de travaux de mécanisation en territoire de colonisation, la distribution de semences dans les cercles de jeunes agriculteurs, l’inventaire des terres à vendre, l’organisation des fermes et l’utilisation du crédit agricole, l’augmentation de l’efficacité de production, la cartographie et la conservation des sols, etc. Le gouvernement Godbout lance le projet d’électrification rurale. Il faut étudier les nouveautés et faire évoluer les rôles de l’agronome.

Depuis les débuts de leur vie associative et en particulier lors de l’élaboration et l’obtention de leur charte, les agronomes se sont affichés en sus des instances gouvernementales. Affiliée à la Corporation en 1938, la Section de Québec a contribué à faire connaître la profession auprès des instances locales de sa région, des milieux scientifiques et des bacheliers en sciences agricoles en emploi avec des campagnes de recrutement planifiées et structurées. Plusieurs communications ont enrichi les congrès comme celui de l’Association canadienne-française pour l’avancement des 2 sciences (ACFAS). Il ne faut pas oublier la production de matériel de propagande et les démarches individuelles des agronomes du ministère de l’Agriculture du Québec.

La valorisation de la profession passe aussi par l’adhésion de l’agronome à sa mission professionnelle, par son sentiment d’appartenance à la profession et la reconnaissance de ses actions professionnelles par ses pairs, la clientèle agricole et agroalimentaire, son milieu de travail, sa communauté et sa famille. L’obtention du diplôme universitaire reconnu demeure sa première reconnaissance professionnelle suivie de l’admission à la pratique agronomique.

La Corporation des agronomes rayonne aussi par son partenariat avec les principaux joueurs de l’époque : le ministère de l’Agriculture, la Coopérative fédérée de Québec, l’Union catholique des cultivateurs (UCC), les facultés d’agriculture et les institutions et entreprises initiées et gérées par des agronomes.

À la Section de Québec, pour mener à bien les objectifs de l’association, les quatorze agronomes à avoir occupé les postes d’officiers se sont particulièrement investis dans le rayonnement de la profession. Nous les présentons à la section 17.1.

Les sous-chroniques 17.2 et 17.3 vous présentent des collaborations, des réalisations, des demandes de la Corporation des agronomes de la région de Québec (CARQ) et des sujets de l’heure qui, pour la plupart, ont fait l’objet d’activités de perfectionnement.

17.1 Les principaux acteurs à la direction de la Section de Québec (1943-1952)

Les officiers de la Section de Québec sont les principaux acteurs de la vie associative des agronomes de la région lors de la période de rayonnement de la Corporation. Au nombre de quatorze, sept ont déjà été présentés dans les chroniques précédentes. Ce sont :

  • L’agronome Jean-Paul Pagé – Dir 1942-1943, P 1943-1945, Dir 1945-1947 – Voir la chronique 14.2
  • L’agronome Albert Rioux – P 1945-1949 – Voir la chronique 14.1
  • L’agronome Henri Dubord – Dir 1941-1944 et VP 1944-1945 – Voir la chronique 13.2
  • L’agronome Théophile Busque – Dir 1942-1943, 1946-1947 et 1950-1951, VP 1945-1946 -Voir la chronique 13.2
  • L’agronome Hubert Hurtubise – Dir 1942-1943, VP 1951-1953 et P 1953-1955 – Voir la chronique 13.2
  • L’agronome Roland Lespérance – ST 1939-1945 Dir 1945-1946 et P CAPQ 1953-1955) – Voir la chronique 15.3
  • L’agronome et professeur Georges Maheux – Dir 1939-1942 et 1944-1945, VP 1943-1944 – Voir la chronique 16.1

Voici les résultats de notre recherche pour les sept autres :

L’agronome et professeur Jean-Marie Martin

Il obtient son diplôme, en 1936, de l’Institut Agricole d’Oka et une maîtrise en économie à l’Université Cornell, en 1938. (1) Il œuvre comme professeur à la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval et y occupe plusieurs postes administratifs.

À la Section de Québec, il est vice-président de 1946 à 1948, directeur en 1948-1949, président de 1949 à 1951 et directeur de 1951 à 1954 alors qu’il est professeur à l’Université Laval. La Revue d’histoire de l’Amérique française présente la carrière du professeur Jean-Marie Martin. (2)

L’agronome et professeur Napoléon Leblanc

Il gradue à l’Université Laval au baccalauréat en agronomie en 1942 et y obtient une maîtrise en sciences sociales en 1953. Nommé assistant professeur à l’Université Laval en 1947, il devient professeur à la Faculté des sciences sociales en 1954, doyen de la Faculté (1961-1967) et vice-recteur de l’Université (1967-1972).

À la Section de Québec, il est secrétaire-trésorier en 1949-1950, directeur en 1950-1951 et président de 1951 à 1953 alors qu’il est assistant-professeur à l’Université Laval. Le Réseau canadien d’information archivistique décrit la carrière du professeur Napoléon Leblanc. (3)

L’agronome et professeur Dr René Pomerleau

Il obtient son baccalauréat en sciences agricoles en 1924 à l’École d’agriculture de Sainte-Anne-de-la Pocatière, une maîtrise à l’Université McGill en 1927 et un doctorat en sciences à l’Université de Montréal en 1937 après des études à la Sorbonne et à l’École nationale des eaux et forêts de Nancy. Il est un pionnier de la mycologie et de la phytopathologie.

À la Section de Québec, il est vice-président de 1949 à 1951 alors qu’il est directeur du Laboratoire de Pathologie forestière à Québec (1938-1952), concurremment à sa tâche de professeur de pathologie forestière et de mycologie à l’Université Laval (1940 à 1965).

Il est récipiendaire d’une douzaine de prix honorifiques dont le Prix de la Province de Québec en 1953, Officier de l’Ordre du Canada en 1970, le Prix Marie-Victorin en 1981 et Chevalier de l’Ordre national du Québec en 1988.

L’Ordre National du Québec, présente la carrière du Dr René Pomerleau. (4)

 L’agronome Pellerin Lagloire

Il fit ses études agronomiques à l’École d’Agriculture de Ste-Anne-de-la-Pocatière où il reçut son diplôme de baccalauréat en sciences agricoles, en 1929. Après un séjour à l’Université Cornell, il obtient sa maîtrise de l’Université Laval, en 1934.

Il fait carrière au Ministère de l’Agriculture dans les Départements, Information et Recherches, et Entomologie et Horticulture.

À la Section de Québec, il est directeur en 1944-1945 et secrétaire-trésorier de 1945 à 1947 alors qu’il est secrétaire du ministère de l’Agriculture (1944-1955)

Louis-de-Gonzague Fortin fait l’éloge de l’agronome Pellerin Lagloire dans la Gazette des Campagnes du 20 octobre 1955. (5)

L’agronome Roméo Pomerleau

Il est vice-président de la Section de Québec en 1948-1949

L’agronome Marc Laforce

Il est secrétaire-trésorier de la Section de Québec de 1947 à 1949.

L’agronome J. Rodolphe Cloutier

Il aurait obtenu son diplôme en 1937 de l’École d’agriculture de Sainte-Anne-de-La-Pocatière.

À la Section de Québec, il est directeur en 1949-1950 et secrétaire-trésorier de 1950 à 1954.

Avis de recherche

Pour la présentation de Roméo Pomerleau, Marc Laforce et J.-Rodolphe Cloutier, nous invitons les lecteurs à nous acheminer des informations qui les décrivent.

Il ne faudrait pas passer sous silence la trentaine d’administrateurs de 1943 à 1952. Ce sont :

Romuald Belzile, Henri Lauzière, Ulric Jean, Abel Raymond, Jean-Baptiste Roy, Édouard Brisebois, A.-P. Pelletier, Pierre Labrecque, Abel Raymond, Leroy Poulin, Omer Caron, Jean-Charles Magnan, J.-M. Dancose, Adrien Desautels, Charles Lemelin, Rosaire Barabé, Paul-Émile Roy, Jean Blanchet, Georges Gauthier, Jos Lehoux, Dr Lucien Boulet, Maximilien Lemieux, David Leblond, René Bernachez, Oscar Boisvert, Gérard Lévesque, Henri Lacoursière, Louis Lafontaine, Hubert Hurtubise, J.-Bruno Potvin, Cyprien Pelletier et Napoléon Leblond.

Note : Nous reconnaissons la contribution personnelle de tous les agronomes qui ont participé à la vie interne des sections. Il serait cependant difficile d’élucider l’apport particulier de chacun d’eux. Nous devons laisser aux archivistes le soin de compléter de travail.

  1. L’Institut d’Oka, Cinquantenaire 1893-1943, Père Louis-Marie, O.C.R., p. 336
  2. Revue d’histoire de l’Amérique française, Chronique d’archives, G. Janson, Volume 43, Numéro 2, automne 1989, Division des archives de l’Université Laval, Cité universitaire, Le fonds Jean-Marie Martin (103), p. 310 (https://www.erudit.org/en/journals/haf/1989-v43-n2-haf2387/304810ar.pdf)
  3. Réseau canadien d’information archivistique, Fonds Napoléon LeBlanc – Fonds P144, https://archivescanada.accesstomemory.ca/leblanc-napoleon-1916-1992-createur
  4. Ordre National du Québec, Gouvernement du Québec, René Pomerleau (1904-1993), Chevalier 1988 René Pomerleau – Ordre national du Québec (gouv.qc.ca) ou https://ordre-national.gouv.qc.ca/membres/membre.asp?id=307 Les nombreuses reconnaissances du Dr Pomerleau sont listées sur le site de WIKIPÉDIA L’encyclopédie libre : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Pomerleau
  5. Louis-de-Gonzague Fortin, La Gazette des campagnes, Série II, Vol. 14, No 49, 20 octobre 1955, feu Pellerin Lagloire, agronome, page 7. (https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3623601 )

17.2 Demandes et collaborations de la CARQ (1943-1952)

CLIQUEZ ICI pour voir la ligne du temps.

( La ligne du temps de l’OAQ montre un groupe d’agronomes en 1944, un groupe d’agronomes en 1961, des agronomes examinant une production de lin, un agronome et jeunes étudiants examinant de la moutarde à Sainte-Croix en 1947… )

Au cours de cette période dite de rayonnement, la valorisation de la profession et le bien-être des membres s’ajoutent aux mandats de recrutement des membres, de développement de la qualité de l’intervention par l’entraide, le perfectionnement et la représentation des membres. Depuis sa création en 1921, la Section de Québec use de divers moyens originaux pour développer l’appartenance, valoriser les actes professionnels et faire la promotion de l’agronome. Toutes ses activités sociales, de réseautage, de perfectionnement continu et de reconnaissance génèrent de la visibilité en lien avec le rayonnement de la profession.

Les réunions du Conseil de section, les assemblées générales et les assemblées générales annuelles sont les moments privilégiés pour étudier divers sujets, formuler des avis et des demandes à la Corporation incluant l’amélioration des procédures et du fonctionnement.

La CARQ demande, entre autres, de publier un « Digeste agricole » pour les agronomes et les producteurs progressistes, d’unifier les institutions d’enseignement agronomique, d’unifier l’enseignement et la recherche universitaire, de créer un comité de préparation des examens d’admission et d’uniformiser les questions, d’ajouter un examen oral commun complémentaire à un examen écrit, de contrôler les études agronomiques, d’ajouter le monde de l’industrie et du commerce à la formation de base, d’uniformiser les programmes d’enseignement des trois institutions d’enseignement et de les adaptés aux besoins de l’agriculture québécoise et de la profession agronomique, de produire un code d’éthique et de solidarité professionnelle.

En appui à la période de rayonnement de la profession, la Corporation des agronomes de la région de Québec (CARQ) intervient principalement en association aux divers projets de la Corporation en déléguant plusieurs membres sur les comités provinciaux tels; l’assurance collective, le traitement des agronomes et les honoraires professionnels, le placement des agronomes sans emploi, la publicité, la révision de la charte et des règlements avec le but de rétrocéder les droits et pouvoirs perdus avec le Bill 48, l’enseignement et recherche, l’électrification rurale, l’admission à l’étude et à l’exercice avec un premier examen d’admission en 1946, l’étude du projet d’une institution unique d’enseignement agronomique universitaire au Québec en 1949, l’Ordre du Mérite agronomique en 1950, l’organisation de congrès annuels (1944-1950-1952) et la collaboration à la création d’un conseil interprofessionnel. (1) 1Elle s’associe à la production de la revue « Agriculture » fondée en 1944 et participe à la rédaction de plusieurs mémoires, comme celui de la Commission Massey en 1949.

La Section de Québec pose aussi une série d’actions et d’opérations plus spécifiques concourant au bienêtre de ses membres et à la promotion de la profession telle : la sollicitation d’articles et la vente d’abonnements et d’annonces publicitaires à la revue « Agriculture », la sollicitation de bourses d’études pour les étudiants gradués, la tenue des réunions et assemblées en fin d’après-midi avec un ordre du jour, un procès-verbal ou un compte-rendu, l’établissement d’une procédure de mise en nomination et d’élection aux postes d’administrateurs de la Section et l’organisation de Congrès de la CAPQ à Québec (1944-1950-1952). Ajoutons aussi, l’établissement d’une liste de bacheliers en sciences agricoles non-membres de la Corporation, le recrutement des confrères non-membres, la perception annuelle des contributions et arrérages et la participation active aux diverses campagnes de recrutement à l’assurance collective.

La section a aussi formulé plusieurs avis dont : l’établissement d’une classification et d’une échelle de salaire pour les agronomes, le contrôle et la qualité de l’enseignement en sciences agricole et les relations entre les filiales et le secrétariat général.

Le Bureau de direction ou Conseil de Section se penche activement sur l’admission à l’étude, les motifs des jeunes de s’abstenir de joindre la Corporation, l’incapacité de plusieurs membres à payer leur cotisation annuelle, la série d’émissions radiophoniques (poste CHRC), l’organisation de cercles d’études (Économie rurale, production animale, production végétale, publicité), l’étude du rôle primordial de la chimie en agriculture, la production du mémoire sur l’étude sur le milieu agricole et l’organisation de ses assemblées générales en deux parties : les affaires de la profession et une ou deux courtes conférences avec un débat-forum.

  1. Les éléments listés sont tirés des procès-verbaux et des comptes rendus de la Corporation des agronomes de la région de Québec, 1943-1952 et des auteurs Jean-Baptiste Roy, Histoire de la Corporation des agronomes de la province de Québec, 1937-1970, p. 77 à 105 et François Hudon, l’action agronomique au Québec, historien, Ordre des agronomes du Québec, Juin 1987, p 66 à 78.

17.3 Sujets de l’heure et activités de formation continue de la CARQ (1943-1952)

Les assemblées des membres donnent l’occasion aux membres de se rencontrer, de s’entraider, de se perfectionner, de signifier leurs besoins et de recevoir des réponses. Plusieurs sujets de l’heure conduisent à des causeries et des activités de formation continue.

Au cours de la période 1943-1952, le thème prédominant et le plus récurrent est l’action agronomique en lien avec les missions scientifiques, politiques, économiques et sociales de la profession. Une attention particulière est portée à définir les rôles de l’agronome dans les champs de l’agronomie en pleine évolution.

Le Conseil de section discute du manque de maturité professionnelle qui existe chez certains membres, de l’agronome et l’évaluation d’un boisé de ferme, d’éducation des adultes, ici et ailleurs (USA), des problèmes que pose la réintégration des membres dissidents au sein de la Corporation, des arrérages de cotisation, du potentiel d’attirer des membres avec des activités en dehors de Québec (Beauce, Portneuf), de l’intérêt d’organiser le Congrès de la CAPQ aux 2 ans au lieu de tous les ans, de recrutement de candidats à la profession par des conférences dans les collèges classiques de la Région, des problèmes des jeunes agronomes.

Parmi les titres de conférences présentées lors d’assemblées des membres ou de congrès de la Corporation, nous portons à votre attention les thèmes suivants : La mission sociale de l’agronome, La Loi du crédit agricole, L’amélioration des plantes en horticulture, La chimie et l’agriculture, La spécialisation en agronomie, La formation professionnelle, L’électrification rurale, La chaîne de froid, La pédologie et les sciences du sol, La conservation des sols, Les notions de cartographie des sols, L’action agronomique, Le monde des affaires, L’industrie laitière.

D’autres montrent l’ouverture de agronomes de l’époque. Citons: Le rôle de la terre dans la formation d’une nation, La formation des chefs, Le Golf St-Laurent et le Détroit Belle-Isle; relation sur la climatologie et l’économie de la Province, La civilisation paysanne, Le parallèle entre l’agriculture en Angleterre et celle de la Province de Québec, La hollande agricole, La Syrie agricole.

Note : Les sujets de perfectionnement sont tirés des procès-verbaux et des comptes rendus de la Corporation des agronomes de la région de Québec, 1943-1952.