La fondation de la Corporation des agronomes du Québec se déroule dans un contexte général de fin de crise économique suivie d’un début de prospérité engendré par la deuxième guerre mondiale. La société québécoise est dans un bouillonnement idéologique, avec des mots comme concertation, coopératisme, corporatisme, syndicalisme et libéralisme. Ce contexte influence le rôle de l’agronome et la pratique de l’agronomie dans ses divers domaines d’intervention : les productions animales, les productions végétales, l’industrie et le commerce, l’économie rurale, l’électrification rurale, la mécanisation agricole, le crédit agricole et la complémentarité avec l’ingénieur.
À la suite de l’assemblée de fondation de la Corporation des agronomes de la région de Québec (CARQ), le 26 avril 1938, la première réunion du bureau de direction de la Section de Québec, affiliée à la Corporation des agronomes du Québec (CAQ), se tient le 22 juin 1938. Les administrateurs étudient les articles 6 et 47 b) des règlements de la CAQ et ils adoptent immédiatement à l’unanimité l’amendement suivant : « que l’Art. 47 b) se lit comme suit : Avoir suivi les cours exigés pour l’obtention d’un diplôme de bachelier ès sciences agricole et être porteur de ce titre. Dans tous les cas, il devra être agréé par la Corporation aux conditions déterminées par le Conseil. » (1) Cet amendement est ratifiée par l’assemblée générale des membres de la CARQ du 29 août 1938.
Les années de la naissance de la Corporation (1937-1942) sont marquées par l’organisation d’un système d’assurance collective, l’extension du droit à la pension des fonctionnaires et surtout l’obtention du statut professionnel. Avec le succès obtenu, en 1942, on peut dire que la profession prend conscience de ses possibilités.
À la Section de Québec, le recrutement des bacheliers en sciences agricoles qui retardent à joindre les rangs, la perception des contributions annuelles, la mise en place de comités d’études et surtout l’appui au Comité de rédaction de la Charte et ses nombreuses révisions marquent la période.
Nous présentons, à la sous-chroniques 16.1, les agronomes qui forment le Conseil de la Section de Québec de 1937 à 1942. À la direction nous avons André Auger et J.-A. Proulx à la présidence, Jean-Charles Magnan, Charles-Édouard Ste-Marie et Roméo Martin à la vice-présidence et les secrétaires-trésoriers sont Charles Lesage et Roland Lespérance.
Les sous-chroniques 16.2 et 16.3 vous présentent des collaborations et des demandes de la CARQ et des sujets de l’heure qui, pour la plupart, ont fait l’objet d’activités de perfectionnement.
Source :
1 : CARQ, Procès-verbal, Bureau de direction, Réunion du 22 juin 1938.
16.1 Les principaux acteurs à la direction de la Section de Québec de 1937 à 1942
Les officiers de la Section de Québec et ses directeurs des années de la naissance de la Corporation (1937- 1942) sont nos principaux acteurs de la vie associative des agronomes de la région qui ont contribué à la fondation de la Corporation. Nous vous invitons à en faire la connaissance à l’aide des notes biographiques.
De 1937 à 1942, les officiers de la Section de Québec sont :
✓ André Auger (P CARQ 1937-1941 et Dir CARQ 1941-1942) Voir la chronique 11.1
✓ Josaphat-A. Proulx (Dir CARQ 1938-1939, P CARQ 1941-1943) Voir la chronique 11.2
✓ Jean-Charles Magnan (VP CARQ 1938-1940, Dir CARQ 1945-1947) Voir la chronique 11.1
✓ Charles Édouard Ste-Marie (Dir 1939-1940 et VP CARQ 1940-1941) Voir note 1
✓ Roméo Martin (ST CAQ 1938, VP CARQ 1941-1942, P CAPQ 1960-1961) Voir la chronique 8.3
✓ Charles-Édouard Lesage (ST CARQ 1938-1939) Voir la chronique 11.1
✓ Roland Lespérance (ST CARQ 1939-1945, Dir CARQ 1945-1946, P CAPQ de 1953 à 1955) Voir la chronique 13.2
Note : Nous utilisons les lettre P pour Président, VP pour Vice-président, ST pour Secrétaire-trésorier, Dir pour Directeur et les sigles CARQ pour Corporation des agronomes de la région de Québec (Section de Québec), CAQ pour Corporation des agronomes du Québec (1937-1942) et CAPQ pour Corporation des agronomes de la province de Québec (1942-1973).
Les directeurs de la première heure de la Section de Québec devenue filiale de la Corporation des agronomes en 1938 sont :
✓ Stanislas-J. Gagnon (1938-1939) Voir la chronique 7.1
✓ Omer Caron (1938-1940 et 1945-1947) Voir la chronique 11.2
✓ Henri Lauzière (1938-1939 et 1942-1944) Voir la chronique 11.2
✓ Antonio Mathieu (1938-1939) Voir la chronique 11.2
✓ Laurentin Bélanger (1938-1939) Voir la chronique 11.2
L’agronome et professeur Georges Maheux a obtenu un diplôme d’ingénieur forestier et se spécialise en entomologie forestière, puis agricole. L’Université de Montréal lui octroie une maîtrise en sciences agricoles en 1930. Il est professeur, à temps partiel (1915 à 1964), en foresterie à l’Université Laval, et en partage de temps au ministère de l’Agriculture comme entomologiste (1917-1928), chef de service de la Protection des plantes (1928-1944) et directeur du service de recherche et de l’information (1944-1952).
Il est récipiendaire de plusieurs prix honorifiques dont : commandeur du Mérite agricole (1941), commandeur du l’Ordre du Mérite agronomique (1973) et membre émérite de la Société entomologique du Québec (1974).
À la Section de Québec, il est directeur de 1939 à 1942, vice-président en 1943-1944 et directeur en 1944-1945.
Pour plus d’information sur la carrière du professeur Georges Maheux, nous vous proposons les références suivantes :
1 : Mélanie Desmeules, Georges Maheux, 1889-1977, ingénieur forestier, agronome, professeur entomologiste, Nouv’ailes, Le bulletin de nouvelles de l’Association des entomologistes du Québec, Printemps 2013, Volume 23, Numéro 1, p.11 (https://static1.squarespace.com/static/5731421e07eaa0ea485cadae/t/5ba1bfc5c2241bbf4bfe9e1d/15 37327049958/NouvAiles+volume+23%2C+no+1+Printemps+2013.pdf )
2 : Renée Pomerleau, Notice nécrologique : Georges Maheux 8 décembre 1889 – 11 octobre 1977, Le Naturaliste canadien, Volume 104, Numéro 6, 1977, Publication de l’Université Laval, pages 573 à 576 (https://books.google.ca/books?id=mw4zAAAAIAAJ&pg=PA574&lpg=PA574&dq=Professeur+georgs+Ma heux&source=bl&ots=3BqDXB5pp5&sig=ACfU3U1xt_88BVQq2- binRUqRtqkSnvNRA&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwid44C8hof2AhUYkokEHfyxAHcQ6AF6BAgYEAM#v=onep age&q=Professeur%20georgs%20Maheux&f=false )
Les autres directeurs de la Section de Québec qui ont travaillé à la naissance de la Corporation (1936- 1942) et de la CARQ sont : Paul Bertrand (1939-1940), J.-M. Vachon (1939-1940), Raynald Ferron (1939- 1941), A.-P. Pelletier (1939-1940 et 1944-1945), R.-P. Sabourin (1940-1942), Nazaire Parent (1940-1942), Alexandre Rioux (1940-1941), Philippe Belzile (1940-1942) et Henri Dubord (1941-1944 et VP CARQ 1944- 1945). La présentation de ce dernier se trouve à la sous-chronique 13.2.
Note 1 : AVIS de recherche Nous demandons l’aide des lecteurs pour ajouter des commentaires et des informations qui décrivent l’agronome Charles-Édouard Ste-Marie ou d’autres agronomes listés dans cette chronique.
16.2 Collaborations et demandes de la CARQ (1936-1942)
Dans son mandat d’animer la vie associative de ses membres, la Corporation des agronomes de la région de Québec (CARQ) multiplie les rencontres de son bureau de direction et les assemblées générales des membres. Elles donnent ainsi l’occasion aux membres de se rencontrer, de s’entraider, de suivre l’évolution des dossiers, de formuler des avis et des demandes et de recevoir des réponses. Les assemblées réunissent souvent la presque totalité des membres.
Le premier chantier de la CARQ porte sur la compétence de ses membres avec la production de la monographie agricole de son territoire, aussi appelée le programme agricole de la région (note 1). L’objet est la description complète et détaillée de notre région et la présentation aux membres lors d’assemblées générales. Les huit comités d’études créés et animés sont : Géographie physique, Histoire agricole, Géographie humaine, Outillage économique et organisation financière, La production agricole, Problèmes relatifs à la protection des plantes et à l’exploitation forestière, Commerce et Industrie et La colonisation. (1)
Le second est l’identification des confrères, bacheliers en sciences agricoles, et l’effort pour les inciter à joindre les rangs de la Corporation et à y demeurer. À la suite de sa campagne de recrutement, la Section compte une centaine de membres en 1942. Cinquante-trois (53) agronomes de la CARQ assistent à la convention de fondation de la CAPQ, en juin à Sherbrooke. La Section convient de poursuivre la sollicitation des non-membres et demande à la Corporation de ne pas acheminer les mises en demeure de payer la cotisation annuelle de 1943. (2)
Le Conseil de section met en place et anime une série de comités de travail en appui aux dossiers de la Corporation : le service de placement, l’assurance collective, le fonds de pension pour les agronomes qui ne sont pas à l’emploi du Gouvernement (3) et la rédaction de la Charte.
Une fête est organisée pour célébrer le quatrième centenaire en l’honneur de M. Olivier De Serres, premier agronome français, et marquer, en même temps, l’arrivée de notre éminent confrère, l’honorable Adélard Godbout à la direction de la Province. La soirée de commémoration a lieu le 7 décembre 1939. Elle « a marqué d’une pierre blanche les annales de notre filiale. » (4)
La Section demande au Conseil général d’intervenir auprès de journaux, « nommément, Le Colon, dont les articles répandent de nombreuses et graves erreurs en matière de techniques agricoles et qui semblent manifestement dirigées dans l’intention de nuire à la réputation professionnelle des agronomes. » (5) Elle étudie l’intérêt d’un médium de perfectionnement technique pour les membres et propose « la publication d’une revue de vulgarisation agricole, pour faire connaître la Corporation parmi les classes dirigeantes et pour mieux répondre au rôle éducatif qui incombe aux agronomes. » (6)
La Section suggère « la nomination au sein de la Corporation d’un comité qui se chargerait d’étudier la question de l’électrification rurale, comité qui devrait s’adjoindre un ingénieur. » (7)
En appui à « un amendement proposé par la filiale de Montréal à l’Article 57 touchant le mode d’élection des officiers des filiales » (8), l’assemblée recommande « au comité chargé de rédiger les règlements des Corporations de section de manière de laisser toute latitude à celles-ci d’adopter un mode d’élection qui permet à tous les membres d’exprimer leur opinion. » (9)
Pour donner suite aux travaux du Comité du programme agricole, trois demandes sont adressées au Bureau central de la CAQ, soient :
- Égouttement : Créer un organisme chargé d’étudier les différends entre les intéressés lorsqu’il s’agit de faire ou redresser un cours d’eau,
- Loi des semences : Amender la loi afin de ne pas faire entrer de semences renfermant telle ou telle mauvaise herbe dans les régions de colonisation. Surveiller les grains de semence.
- Morcellement des terres : Suggérer le morcellement des terres dans les banlieues et le rachat de certains terrains non cultivés pour en faire des exploitations agricoles. (10)
Note 1 : En 1938, la Section de Québec comprend les districts électoraux de Beauce, Bellechasse, Charlevoix, Chauveau, Dorchester, Jean-Talon, Lévis, Limoilou, Lotbinière, Louis-Hébert, Montmorency, Portneuf et St-Sauveur.
- CARQ, Assemblé générale, compte rendu, 12 janvier 1940.
- CARQ, Bureau de direction, procès–verbal, 14 novembre 1942.
- CARQ, Assemblé générale, compte rendu, 12 décembre 1938 et 25 janvier 1940.
- CARQ, Assemblé générale, compte rendu, 7 décembre 1939.
- CARQ, Assemblée générale annuelle, procès-verbaux, 17 avril 1939.
- CARQ, Assemblée générale annuelle, procès-verbaux, 17 avril 1939.
- CARQ, Assemblé générale, compte rendu, 1 décembre 1941.
- CARQ, Assemblée générale annuelle, procès-verbaux, 11 mai 1942.
- CARQ, Assemblée générale annuelle, procès-verbaux, 11 mai 1942.
- CARQ, Assemblé générale, compte rendu, 19 septembre 1938.
16.3 Sujets de l’heure et activités de formation continue de la CARQ (1936-1942)
En continuité de la période pré-corporation, le bureau de direction de la Section de Québec priorise la production de la monographie agricole de sa région et multiplie les assemblées générales des membres pour s’approprier les résultats des travaux des comités d’études et s’ouvrir sur d’autres sujets d’actualité. Ces assemblées donnent l’occasion aux membres de se rencontrer, de tisser des liens et de suivre les dossiers de la Corporation. Nés en 1921, au lendemain de la première guerre, en pleine relance économique, suivi de la plus grande crise économique du XXe siècle, les agronomes ont tendance à se comparer et à se consoler en comparaison avec les conditions du temps.
Les sujets suivants montrent la diversité des sujets de l’heure et des besoins de perfectionnement des agronomes de 1938 à 1942 :
- Les systèmes de culture au Québec, choix des cultures et rentabilité;
- L’éducation des cultivateurs et du colon en matière sylvicole;
- L’histoire agricole de la Région;
- Les productions maraîchères et fruitières dans la région de Québec;
- Le Corporatisme;
- L’évolution et la régénération de l’agriculture québécoise;
- Le rôle et les réalisations de la science en agriculture;
- L’électrification de la ferme, le rôle des techniciens agricoles (agronomes);
- L’électrification rurale synonyme de mécanisation;
- L’électrification rurale; problèmes économiques de distribution et d’utilisation; – La géologie et le potentiel des sols du district Beauce et Frontenac;
- Les plantes fourragères et céréalières, recherche et nouveautés;
- Le rôle de la machinerie lourde en agriculture;
- Comment récolter de 8 à 12 livres de sucre d’érable par arbre ?
La première excursion de la Section de Québec affiliée à la CAQ a lieu en 1940 conjointement avec les confrères de la Filiale des Cantons de l’Est. Le programme comprenait la visite à l’École de lin de Plessisville, une causerie sur la technologie du lin, un exposé des raisons historiques qui ont amené le développement de cette matière industrielle chez-nous, et enfin, la visite de la fonderie de Plessisville. (1)
En 1940, l‘organisation et la tenue du 4e Congrès de la Corporation, au Kent House (Manoir Montmorency) ( https://lachutemontmorency.com/kent-house/ ), a été la principale réalisation de perfectionnement. Les méthodes de conservation des fourrages verts et les problèmes agricoles de guerre et d’après-guerre sont au programme.
1 – CARQ, Visite de l’École du Lin de Plessisville, compte-rendu, 9 novembre 1940