Commandeure de l’Ordre du Mérite agronomique, Hélène Lapierre, agronome depuis 1981 et docteur en physiologie animale depuis 33 ans, entretient un lien important avec le milieu agricole québécois où elle s’est consacrée à la recherche sur la vache laitière en plus de contribuer de manière remarquable aux avancées agronomiques dans ce domaine. L’une de ses plus grandes réalisations a permis de développer une approche quantitative basée sur les mesures réelles de l’utilisation des nutriments par les tissus des vaches laitières.
Pourquoi avez-vous choisi de devenir agronome ?
Étudier en agriculture présentait pour moi la combinaison parfaite entre la biologie et la chimie, les deux disciplines que je préférais au Cegep. Devenir agronome allait de soi en terminant un baccalauréat en agriculture. Cependant, suite à mes études graduées, j’ai vraiment choisi de demeurer agronome, car ma profession de chercheur ne l’exigeait pas. Demeurer agronome me permet de garder un lien avec l’agriculture au Québec et avec ceux qui y sont intimement liés, mes collègues agronomes. Ça me permet de garder le contact avec le monde agricole en général.
Pour vous, être agronome c’est… :
Relever le défi d’être à la fois au service de la communauté agricole, qui produit la nourriture, et au service de la population en général, qui consomme ces aliments et partage le territoire. Dans un contexte de vie de plus en plus urbanisé, les consommateurs sont à la fois de plus en plus conscients de ce qu’ils mangent mais en même temps de moins en moins conscients des processus biologiques et des contraintes inhérentes impliqués dans la production des aliments (autant d’origine animale que végétale). Le rôle de l’agronome est d’arriver à intégrer toute cette information et de la faire circuler.
Quelles sont les qualités essentielles d’un bon agronome et pourquoi ?
Les agronomes doivent être ouverts et toujours curieux d’apprendre dans leur propre domaine et dans les domaines connexes. Notre domaine de travail relie ensemble la biologie, l’environnement, l’économie, le tissu social et ce aux niveaux régional, provincial, national et international. Il faut donc être au courant et sensible afin de bien comprendre comment notre travail peut affecter non seulement l’environnement immédiat qui nous entoure, mais comment les valeurs sous-jacentes à nos recommandations peuvent avoir un impact beaucoup plus grand que le simple champ d’application encadré par ces recommandations.
Quel est votre emploi actuel ?
Chercheure au Centre de recherche de Sherbrooke d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. Je travaille sur la nutrition et le métabolisme des vaches laitières. L’objectif de mon travail de recherche est de mieux comprendre le métabolisme des vaches laitières afin d’être capable de formuler des rations contenant moins de protéines tout en rencontrant bien les besoins des vaches. En augmentant ainsi l’efficacité de la production, il est possible de diminuer le coût de production en même temps que de diminuer les déjections azotées dans l’environnement, diminuant donc l’empreinte environnementale de la ferme laitière.
Comment, dans votre travail, contribuez-vous au secteur de l’agriculture ou de l’agroalimentaire québécois ?
Les résultats de nos travaux de recherche sont transmis aux différents intervenants du milieu, surtout des nutritionnistes, qui peuvent rapidement mettre en application les nouveautés que l’on propose. Nous partageons aussi nos découvertes avec les productrices et producteurs lors de colloques ou symposium ou dans des articles de vulgarisation. L’application de ces principes au niveau de la ferme laitière permettra de diminuer les coûts de production et l’empreinte environnementale de fermes tout en préservant la production d’un lait de qualité.
Comme professionnel œuvrant en lien avec l’agriculture et l’agroalimentaire, réussissez-vous à voir l’avenir avec un œil optimiste ?
Étant de nature optimiste, j’envisage aussi l’avenir avec optimisme. Il faut cependant être vigilant et ne pas laisser le capitalisme, où tout ce qui compte est le prix à la tablette sans autre considération environnementale ou sociale, être le facteur qui détermine toute action. Je vois, avec optimisme, un rôle important pour l’agronome du futur dans cet avenir. Nous sommes vraiment une profession qui fait le lien entre de nombreux secteurs qui sont naturellement reliés et qui doivent être étudiés en tenant compte de leur intégration.
Votre plus grande réalisation, à ce jour, en tant qu’agronome ?
Je me permets d’en nommer deux. D’un point de vue strictement professionnel, le fait que j’aie été invitée à participer à la révision du prochain guide alimentaire de vaches laitières du National Research Council américain (bien qu’américain, ce guide a plutôt une envergure internationale) indique l’impact que l’on peut avoir lorsque l’on fait une recherche originale et bien ciblée. Ma deuxième réalisation d’ordre professionnel me vient de commentaires des étudiants gradués que j’ai supervisés qui m’ont dit que je leur léguais cette démonstration qu’il était possible de mener à la fois une carrière de recherche significative et avoir une vie de famille équilibrée.
Qu’aimeriez-vous réaliser à court / moyen terme dans votre profession ?
Terminer ce guide alimentaire de vaches laitières du National Research Council américain.
EN RAFALE :
- Votre objet personnel auquel vous ne pourriez pas vous passer pour faire votre travail (autre que téléphone et ordinateur) : Une tasse de thé et un carré de chocolat.
- Votre aliment québécois favori : Fromage : un seul mot mais tant de saveurs et de bonheur… et en Estrie on est particulièrement gâtés avec d’excellentes fromageries.
- Une devise qui colle bien avec votre manière de penser : Chaque personne a les qualités de ses défauts et le défaut de ses qualités. Ça nous dit qu’il faut essayer de voir le positif dans chacun des gens et travailler avec leur force. Ça m’aide aussi car souvent je réalise qu’un trait de caractère d’une personne qui m’irrite à un moment précis fait justement sa force dans d’autres situations.
- Votre lieu favori dans votre région : Sans contredit le parc national du Mont Mégantic : on y fait de magnifiques randonnées avec des points de vue exceptionnels, la neige arrive tôt en saison et part tard et il n’y a pas trop de monde. On adore aller y coucher en refuge en famille avec nos trois enfants et leurs conjoints… de purs moments de paix et de bonheur après une saine activité physique… que demander de mieux à la vie!