La naissance de la profession d’AGRONOME
Le 3 octobre 1913, entraient en fonction les cinq premiers agronomes nommés par le ministre de l’Agriculture du Québec, Joseph-Édouard Caron. Sous le titre « agronome de comté », nos pionniers avaient la mission de veiller au progrès de l’agriculture québécoise dans des comtés déterminés. Ces nouveaux fonctionnaires, affairés dans le nouveau champ de l’agronomie, ont dû user d’initiatives originales, agir avec habileté et tact pour s’associer aux leaders du milieu rurale combattre bien des préjugés chez les nombreux réfractaires aux changements. La profession d’AGRONOME était née.
En 1911, le gouvernement fédéral vote la Loi sur l’enseignement agricole et offre aux provinces consentantes 1 M $ sur 10 ans, afin de les aider à établir leur enseignement agricole. Le Québec recevra ainsi 250 000 $ par an pour cet enseignement et pour organiser son service d’agronomes, mis sur pied en 1913 (1). Au Québec, ces subsides ont permis le lancement des programmes de sciences agricoles et les services agronomiques.
Avec la mission de veiller au progrès de l’agriculture québécoise, le 3 octobre 1913, cinq jeunes diplômés sont nommés agronomes de comté par le ministre de l’Agriculture du Québec, J-Edouard Caron. Au service de la grande région de Québec, il mandate les agronomes Abel Raymond (Oka,1912) dans Bellechasse et Dorchester, Jean-Charles Magnan (Oka, 1912) dans Portneuf et Champlain, Alphonse Roy (Oka, 1913) dans Montmorency et Québec, Henri Cloutier (Oka, 1912) dans Rouville et Iberville ainsi que Raphaël Rousseau (Oka, 1911) dans Bagot et Drummondville.
La profession d’AGRONOME était née
Lors de sa nomination au titre de Commandeur de l’Ordre du mérite agricole, en 1938, l’agronome Raphaël Rousseau décrit la mission des premiers agronomes : « Nous (les agronomes de comté) fûmes envoyés dans un champ nouveau pour y accomplir une tâche nouvelle et, malgré notre inexpérience, nous y avons mis tout notre courage, notre volonté, l’enthousiasme de nos jeunes années. Les meilleurs éléments de la classe rurale nous ont bien accueillis; c’est avec eux que nous avons travaillé, ils nous ont aidés à détruire beaucoup de préjugés chez les moins bien disposés; toujours ils nous ont défendus contre les persécutions de clans incorrigibles. » (2)
Le mandat de ces nouveaux fonctionnaires, initiateurs de l’œuvre agronomique moderne, est décrit dans leur premier rapport annuel au ministre de l’Agriculture. Voici quelques extraits :
Jean-Charles Magnan rapporte qu’il a donné 42 conférences aux cultivateurs. Il précise: « J’ai traité les sujets suivants : élevage, industrie laitière, enseignement agricole, la « gale poudreuse », les spécialités agricoles, le contrôle laitier, etc. J’ai aussi donné 25 démonstrations pratiques.» (3)
Alphonse Roy écrit : « Ayant appris que le nodule noir faisait des dommages considérables, aux cerisiers et aux pruniers, sur une grande partie de la Côte-de-Beaupré, sur l’Île d’Orléans, et à quelques endroits du comté de Québec, nous avons entrepris, L.-P. Roy et moi, de faire une guerre sans merci à cette maladie redoutable. » (4)
Henri Cloutier informe son supérieur qu’à travers ses conférences, ses démonstrations, ses visites à domicile, il a aidé à l’organisation d’une compagnie composée de cultivateurs de la paroisse de Henryville, qui mettra en conserve le blé d’Inde et les tomates, et aussi qu’il a donné trois conférences pour leur venir en aide. « De plus, j’ai fait cultiver un champ de tomates, comme démonstrateur. » (5)
Raphaël Rousseau liste ses initiatives: « conférences agricoles, 99; visites aux cultivateurs, 376; assemblées diverses, 12; démonstrations pratiques 12; visiteurs reçus à mon bureau, 51; jardins scolaires, nombre d’élèves, 150; lettres reçues, 388; lettres envoyées, 555; distributions d’œufs, 41 douzaines; poulets vivants, un mois après l’éclosion, 239 ». (6) Il dit avoir connu 407 cultivateurs de son district.
Abel Raymond déclare : « Afin d’encourager d’une manière régulière et continue l’horticulture et l’arboriculture, écrit-il à son ministre, on a organisé la Société d’horticulture de Bellechasse» (7) «Dans son rapport de 1914, Abel Raymond rapporte avoir visité 34 paroisses dans les comtés de Bellechasse, de Dorchester et de Montmagny et avoir attiré près de 4500 personnes à ses conférences. » (8)
Sources :
1 : François Hudon, L’action agronomique au Québec, son histoire-son œuvre, Ordre des agronomes du Québec, 1987, p. 17
2 à 7 : Jean-Baptiste Roy, agronome, Histoire de la Corporation des agronomes de la province de Québec (1937/1970), p. 22 à 25
8 : Bulletin de la Société historique de Bellechasse, vol. 17, n4 automne 2005, p. 29 : Le rôle déterminant des agronomes
1.1 Saviez-vous que... Qui a persuadé le ministre de l’Agriculture de fonder un corps professionnel des agronomes?
En septembre 1913, Joseph Pasquet de l’École d’agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, Jean-Charles Chapais, commissaire de l’industrie forestière dans l’administration fédérale et Hadelin Nagant, directeur du Journal d’Agriculture ont convaincu le ministre J.-Édouard Caronde la nécessité d’employer des agronomes au service des cultivateurs sur le modèle des corps agronomiques de France et de Belgique.
« La discussion se déroula assez âpre et laborieuse, ajouta M. Pasquet, vu que M. Caron préférait se servir de cultivateurs pour enseigner l’agriculture. Finalement, il se rendit au désir de ses interlocuteurs, assurant ainsi l’emploi des cinq nouveaux bacheliers en agriculture. Ils devaient remplir la fonction d’agronomes officiels, sous la direction du ministère. Comme je l’ai noté précédemment, cela arriva en octobre 1913. » (1)
Source :
1: Jean-Charles Magnan, Confidences, Fides, 1960, p. 123 (il réfère à une lettre reçue du professeur Pasquet en septembre 1913.)
Note: François Hudon, L’action agronomique au Québec, son histoire-son œuvre, Ordre des agronomes du Québec, 1987, p. 23, cite cette rencontre, mais remplace le professeur Pasquet par Joseph Pasquin, professeur à l’École d’Oka.
1.2 Saviez-vous que… Origine de la fondation des coopératives
Dans Histoire de la Coopérative Fédérée, Promoteurs et administrateurs, l’auteur parle du rôle de l’agronome de comté et présente en photo Jean-Charles Magnan, Abel Raymond et Jean-Baptiste Cloutier. « À l’origine de la fondation des coopératives agricoles, on retrouve toujours deux personnages : le curé et l’agronome de comté. Ils participent activement à l’organisation des sociétés et restent personnes ressources pour les administrateurs. » (1)
Source :
1 : Jacques Saint-Pierre, Histoire de la Coopérative fédérée de Québec : l’industrie de la terre, Institut québécois de recherche sur la culture, 1997, Les presses de l’Université Laval, p. 106