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Chronique déontologique : les responsabilités des agronomes travaillant dans le domaine des matières résiduelles fertilisantes

Les matières résiduelles fertilisantes (MRF) sont des résidus majoritairement organiques produits par les activités humaines, telles que les industries agroalimentaires, les boues d'épuration, les usines de papeterie, etc. Les MRF sont un moyen abordable et efficace pour fertiliser ou améliorer la qualité des sols, tout en contribuant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et au soutien du développement durable.

Cependant, l’utilisation des MRF doit être effectuée dans le respect des normes environnementales en vigueur, afin de minimiser les risques de pollution des sols, des eaux souterraines, de propagation de maladies ou de perturbation des écosystèmes.

Par ailleurs, l’agronome est le professionnel responsable de s’assurer que les pratiques d’utilisation des MRF sont conformes aux normes en vigueur. En 2022, un agronome a été radié temporairement par le conseil de discipline de l’Ordre à cause du non-respect des règles de l’art dans le domaine des MRF[i].

La responsabilité des agronomes travaillant dans le domaine des MRF est fondamentale, puisque l’agronome est le professionnel responsable de la plupart des démarches de recyclage des MRF du générateur à la ferme. Les agronomes font les demandes d’utilisation des MRF auprès du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), ce qui implique aussi les visites de contrôle et le rapport de synthèse. Ils ont aussi la responsabilité de l’élaboration du Plan agroenvironnemental de recyclage (PAER) et du suivi d’épandage des MRF. Il est aussi de la responsabilité des agronomes de s’assurer que l’exploitant agricole respecte les exigences règlementaires concernant la capacité de réception de phosphore, ainsi que le règlement municipal en vigueur. Aussi l’agronome est responsable d’informer et de sensibiliser les agriculteurs des avantages et des risques associés à l’utilisation des MRF, notamment les mesures de santé et sécurité.

Selon l’article 5 de notre Code de déontologie : « L’agronome doit exercer sa profession en tenant compte des normes de pratique généralement reconnues et en respectant les règles de l’art. Il doit prendre les moyens pour maintenir à jour ses connaissances et compétences ». Dans le domaine des MRF, les règles de l’art incluent principalement le « Guide sur le recyclage des matières résiduelles fertilisantes »[ii] et la grille de référence de l’Ordre relative à un plan agroenvironnemental de recyclage des matières résiduelles fertilisantes[iii].

Le travail de l’agronome PAER nécessite du travail de bureau et du travail de terrain. Le travail de bureau consiste principalement à faire la demande d’utilisation des MRF au MELCCFP, à préparer le PAER et effectuer d’autres démarches connexes.

Pour la demande d’utilisation, l’agronome doit surtout prendre soin de bien remplir le formulaire du MELCCFP. Les informations doivent être exactes et doivent respecter les directives du guide MRF, notamment, en ce qui concerne l’humidité, le nombre minimal d’échantillons composés (tableau 6.2, guide MRF) et la qualité environnementale des MRF, soit la classification C-P-O-E (C pour sa teneur en contaminants chimiques, P pour sa teneur en agents pathogènes, O pour ses caractéristiques d’odeurs et E pour sa teneur en corps étrangers). L’humidité est très importante, notamment pour déterminer les mesures préventives supplémentaires visant à limiter les pertes en azote et en phosphore pendant le stockage des MRF au sol (tableau 9.2, guide MRF). Le nombre minimal d’échantillons doit être respecté (tableau 6.2, guide MRF) ainsi que la validité des analyses. D’autre part, pour la compilation des résultats, on utilise la moyenne arithmétique pour chaque paramètre, sauf si on vise la catégorie P2. Dans ce cas, on utilise la moyenne géométrique pour les E. coli. La classification C-P-O-E va déterminer les restrictions d’utilisation. Par exemple, les catégories P2 et E2 limitent le type de culture, les catégories O2 et O3 limitent les distances séparatrices des voisins et la catégorie C2 pourrait influencer la dose d’épandage.

En plus du formulaire dûment rempli, la demande d’utilisation des MRF au MELCCFP requiert plusieurs autres documents en annexes, ainsi que les tâches engagées lors de la signature. Plusieurs de ces tâches nécessitent obligatoirement des visites sur le terrain, notamment pour vérifier la conformité de la mise en place des amas au sol, la calibration de l’épandeur et la vérification des modes et doses d’épandage, ainsi que les distances séparatrices précisées dans le PAER. Ces distances séparatrices sont d’ailleurs indiquées sur le plan de localisation du projet. 

Dans le cas où l’agronome signataire de la demande aurait des collaborateurs pour faire cette demande au Ministère, il est de sa responsabilité de bien vérifier que tous les documents remis sont conformes aux exigences du Ministère.

D’autre part, si l’agronome avait des techniciens agricoles sous sa surveillance, l’Ordre recommande d’établir une procédure de surveillance des actes agronomiques, en collaboration avec l’employeur.

En conclusion, le bon travail des agronomes est fondamental pour valoriser d’une façon responsable les matières résiduelles fertilisantes dans l’agriculture, pour éviter les risques environnementaux et protéger la santé publique et animale.

 

[i]  https://oaq.qc.ca/wp-content/uploads/2022/08/02-21-00043_Tchougoune-Mamadou-Ari_2022-07-14_vf.pdf

[ii] MINISTÈRE DE L’ENVIRONEMENT, DE LA LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES, DE LA FAUNE ET DES PARCS, 2015, Guide sur le recyclage des matières résiduelles fertilisantes. Critères de référence et normes règlementaires. Édition 2015.

[iii] ORDRE DES AGRONOMES DU QUÉBEC, 2017, Grille de référence de l’Ordre relative à un plan agroenvironnemental de recyclage des matières résiduelles fertilisantes.

 

Article publié le : 2023-06-21