Agronome lié, agronome non lié? La question se pose, la mise au point s’impose!
Voici le deuxième article de la démarche de sensibilisation de l’Ordre des agronomes du Québec portant sur l’indépendance professionnelle et le conflit d’intérêts.
L’expression « agronome lié ou non lié » est régulièrement prononcée lors des discussions tenues entre agronomes et professionnels de l’agroalimentaire. L’« agronome lié » est celui dont l’employeur n’offre pas seulement des services agronomiques. Cet agronome est soupçonné d’œuvrer sans l’indépendance professionnelle prescrite par le Code des professions et le Code de déontologie des agronomes. Ce dernier limiterait les options du client aux produits disponibles chez son employeur.
En quelques mots, le public ne recevrait pas un service optimal d’un agronome lié. Les opinions sur ce sujet sont diverses. On reproche à l’agronome lié de fournir un service de vente plutôt qu’un service professionnel basé sur les connaissances professionnelles et les besoins du client.
Ces accusations reposent sur le cliché selon lequel il y aurait, d’un côté, un « agronome lié » qui dispense un service professionnel en contrepartie de la vente de produits toujours à la recherche de profits pour lui et son employeur. De l’autre côté, il y aurait « l’agronome non lié », tout à fait dépourvu d’esprit mercantile, qui prodigue un service professionnel en toute neutralité.
Qu’en est-il véritablement?
Les agronomes travaillent dans des domaines divers. Ils mettent leurs connaissances et leurs compétences au service du client en productions végétales et animales, en gestion et en financement des productions agricoles, en agroforesterie, en agroenvironnement, en aménagement des sols, en gestion des remblais, des sablières et des carrières, en production et en transformation alimentaire et dans la recherche. De plus, de nouveaux domaines d’activités continueront de se développer au rythme des avancées scientifiques.
Les agronomes œuvrent dans différents milieux, notamment au sein de ministères provinciaux et fédéraux, de municipalités, d’entreprises d’importance variable et de clubs-conseils. Ils sont aussi travailleurs autonomes, employés ou propriétaires de compagnies.
Ces agronomes sont-ils différents? Si oui, qu’est-ce qui les distingue?
On l’a vu précédemment, les domaines et les milieux de travail de l’agronome diffèrent.
Les risques encourus par l’agronome contre sa responsabilité professionnelle varieront également selon le milieu de travail. Notons d’abord que le nombre de recours contre la responsabilité professionnelle de l’ensemble des agronomes est peu élevé. On peut toutefois supposer que l’agronome travaillant quotidiennement avec les producteurs coure plus de risques de se voir éventuellement poursuivi que celui qui, par exemple, exerce l’agronomie au sein de la fonction publique.
Les conditions salariales et de travail varient, elles aussi, selon les milieux. La concurrence entre les entreprises peut être féroce. Les décisions de gestion diffèrent selon les milieux. Ces aspects du travail de l’agronome ne sont pas du ressort de l’Ordre. Ils relèveraient plutôt d’une association d’agronomes créée pour faire valoir leurs droits.
L’agronome employé, par exemple, d’un club d’encadrement technique, d’un ministère ou d’une industrie a des comptes à rendre à son client, mais aussi à son employeur qui est parfois son client.
Les programmes gouvernementaux de subventions pour les agronomes ou leurs clients ne sont pas accessibles à tous les agronomes et peuvent être soumis à des critères d’accessibilité spécifiques.
Une chose unit tous les agronomes, leur appartenance à l’Ordre des agronomes du Québec
Pour bien comprendre la signification de cette appartenance, jetons un coup d’œil sur l’origine des ordres et la mission confiée aux professionnels par le législateur.
Les professionnels détiennent des connaissances complexes, essentielles au service auprès du client. Mal utilisées, elles peuvent causer des dommages importants au client. En raison du niveau de connaissances requis, ce dernier peut difficilement juger de la qualité des services rendus et réclamer les corrections nécessaires.
Afin d’éviter tout abus ou laisser-aller de la part des professionnels, le législateur a jugé nécessaire de créer les ordres professionnels et il a confié la surveillance des membres qui les composent à des pairs. Il a donné à ces derniers les outils nécessaires pour remplir leur mandat : la formation continue, l’inspection professionnelle et la discipline.
À titre de professionnels, tous les agronomes sont là pour protéger le public. Ils favorisent d’abord et avant tout les intérêts et les besoins du client. Ils respectent la Loi sur les agronomes, le Code des professions et les règlements qui en découlent, y compris le Code de déontologie des agronomes.
L’Ordre applique lois et règlements uniformément à tous, sans nuance ou accommodement pour certains d’entre eux. Ces lois et règlements contiennent les règles sur l’indépendance professionnelle, le conflit d’intérêts et le maintien des compétences… Les paramètres sont les mêmes pour tous, et ce, sans exception.
Aux yeux de l’Ordre, il n’existe qu’un seul type d’agronome
Pour y arriver, l’Ordre dispose d’outils comme la formation continue, l’inspection professionnelle et la discipline. L’agronome trouve aussi du soutien auprès de l’Ordre. Peu importe le domaine et le milieu de travail, l’agronome doit mettre à jour ses connaissances et ses compétences et il devra participer au processus d’inspection professionnelle à plus d’une reprise au cours de sa carrière. Il prend cet engagement dès le moment où il reçoit son permis d’exercice.
Le législateur considère ses obligations comme essentielles et il a même prévu que toute personne physique ou morale (client, collègue, employeur, etc.) qui favoriserait ou ordonnerait à un agronome de contrevenir au Code des professions, à la Loi sur les agronomes ou à son code de déontologie commet une infraction. Cette personne pourrait être poursuivie au pénal par l’Ordre et, si reconnue coupable, condamnée à une amende.
Une autre activité unit tous les agronomes
Ils appliquent la méthode scientifique acquise au cours de leur formation universitaire. Soulignons qu’ils ont tous reçu une formation académique équivalente. Donc, à partir des données recueillies, ils analysent la situation, ils posent un diagnostic agronomique et ils émettent la meilleure recommandation possible selon les intérêts, les désirs et les besoins du client. Cette démarche vaut pour tous les domaines agronomiques, quel que soit le milieu où évolue l’agronome, quel que soit l’employeur. L’objectivité de la méthode protège les clients et les agronomes du piège qu’est le conflit d’intérêts.
Depuis la création des ordres professionnels en 1974, ces outils se sont montrés efficaces. Les craintes exprimées par certains ne sont pas démontrées. Les interventions de l’Ordre des agronomes du Québec portent fruit. Les résultats provenant des actions prises par l’inspection professionnelle et par la discipline le prouvent. Les activités de formation continue remplissent un rôle important pour le maintien des compétences. Les agronomes « délinquants », qu’ils soient qualifiés par les tiers de liés ou de non liés, sont ramenés à l’ordre. Comme pour tous les ordres professionnels, le soutien et la surveillance des membres sont un travail de tous les instants.
On ne le répétera jamais assez :
Aux yeux de l’Ordre, il n’existe qu’un seul type d’agronome.
Il est de l’intérêt de tous les agronomes et de l’ensemble du monde agroalimentaire de travailler ensemble, en complémentarité et de constituer une force solide permettant l’avancement de la science et la dispensation de services professionnels de haute qualité, et au-dessus de tout soupçon.
La conseillère juridique,
Me Louise Richard