Agro Express

Démarche en cas d’activités agricoles illégales

Que peut faire l’agronome s’il constate que son client cultive des parcelles déboisées sans autorisation ou encore lorsqu’il apprend plus tard que le nombre d’animaux sur le lieu d’élevage ne correspond pas au relevé de la production animale fourni par le client? L’Ordre des agronomes du Québec propose la démarche suivante afin d’aider ses membres dans pareilles situations.

La conduite délinquante du producteur fragilise la position de l’agronome au regard de ses obligations professionnelles et déontologiques et de certains lois et règlements comme le Règlement sur les exploitations agricoles (REA).

La situation se complique lorsque l’agronome constate qu’il ne peut attester de la conformité du plan agroenvironnemental de fertilisation (PAEF) et du bilan de phosphore en ne tenant compte que des données qui favorisent son client. Un tel comportement contreviendrait en effet aux règles de l’art, au Code de déontologie des agronomes et au Règlement sur les exploitations agricoles. L’agronome est donc devant un dilemme : protéger son client à tout prix ou faire possiblement l’objet d’une enquête de la part du syndic ou du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) avec à la clé un constat d’infraction et éventuellement une sanction comme une radiation temporaire ou une amende.

D’entrée de jeu, l’agronome précisera à son client dans le mandat et le contrat de service que les situations illégales ou en voie d’être régularisées, et les données qui en découlent, seront inscrites dans son plan agroenvironnemental de fertilisation (PAEF). L’agronome remettra d’ailleurs au client une copie du mandat et du contrat de service. Les éléments de la démarche devraient y apparaître.

L’agronome s’assurera aussi que son client comprend bien la démarche et les répercussions qui pourraient en découler. Ainsi, lors d’une visite d’un représentant du MDDELCC, le client ne pourrait alors invoquer l’ignorance ou faire des reproches à l’agronome en raison du non-respect de la confidentialité des informations divulguées.

L’agronome remettra au client le PAEF. Ce dernier comprendra les données essentielles recueillies, y compris celles provenant des gestes considérés comme « illégaux » et posés par le client. Il établira ses recommandations en tenant compte de l’ensemble de ces données.

Seul le bilan de phosphore est obligatoirement transmis au MDDELCC. L’agronome devra le compléter en respectant l’ensemble des critères exigés par les lois et les règlements. Si l’on considère les exemples donnés, le bilan de phosphore ne tiendra compte que des surfaces autorisées (pas celles du déboisement « illégal ») et des informations sur le relevé de production animale fourni par le client.

Ce faisant, ces changements pourraient modifier le bilan de phosphore, voir même ne plus être en équilibre tel qu’exigé par le REA. Afin de soutenir son client et dans la mesure permise, l’agronome préparera aussi un plan de redressement de la situation qu’il remettra au client après lui avoir expliqué. Il pourrait être utile pour négocier une entente avec le MDDELCC.

Si le producteur fait l’objet d’une vérification de la part du MDDELCC, ce dernier devra produire tous les documents demandés y compris le PAEF et, si possible, le plan de redressement.  S’il est accepté, ce plan sera la base des suivis au cours des prochaines saisons.

En agissant ainsi, l’agronome respecte les lois et les règlements ainsi que les règles de l’art en pareille pratique. La confidentialité des échanges entre lui et son client ainsi que la protection des données recueillies sont préservées. L’Ordre est convaincu que cette manière d’agir a l’avantage de responsabiliser le client.  

L’Ordre des agronomes du Québec est conscient que cette démarche pourrait avoir pour effet de suggérer au MDDELCC d’inspecter son client et parfois de permettre la découverte de la faute de ce dernier. Mais il croit aussi que cette démarche encouragera le producteur à régulariser sa situation très rapidement et ainsi éviter les complications qui peuvent découler de ces gestes « illégaux » notamment, les constats d’infraction, les plaintes et leurs conséquences.

En lisant ces lignes, certains agronomes craindront de perdre leurs clients au profit de collègues plus complaisants. Il ne faut pas oublier que le non-respect des normes de pratique et du Code de déontologie a des conséquences sur tous les agronomes, y compris ceux qui agissent avec complaisance. Des poursuites au pénal par le MDDELCC sont possibles de même que le dépôt d’une plainte devant le conseil de discipline de l’Ordre des agronomes du Québec.

Les agronomes devraient donc mettre de l’avant les mêmes pratiques et respecter les règles de l’art. Ils pourront ainsi conserver leur indépendance professionnelle et éviter tout conflit d’intérêts.

Raymond Leblanc, agr., M.Env., MBA, conseiller en pratique professionnelle