Projet de loi 61 – Lettre ouverte
Le gouvernement du Québec étudie actuellement le projet de loi 61, projet qui souligne son intention d’accélérer la réalisation de quelques 202 projets allant de la réfection d’infrastructures, à la construction de maisons des ainées. Les répercussions de la crise sanitaire actuelle provoquent « une récession économique la plus grave jamais observée depuis près d’un siècle et fait des ravages en termes de santé, d’emploi et de bien-être des citoyens », comme le soulignait récemment l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Bien que l’intention du gouvernement en lançant ces nombreux projets pour réduire l’impact de la récession pour nos concitoyens nous apparaisse une décision judicieuse, nous souhaitons soulever quelques réserves.
L’Ordre des agronomes du Québec souhaite rappeler que la pandémie a sensibilisé les Québécois sur l’importance de l’agriculture pour assurer au Québec une « autonomie alimentaire ». Cependant, comment réaliser cette autonomie sans préserver et pérenniser nos terres agricoles ? La ressource « sol » des terres agricoles est la pierre d’assise pour maintenir et développer les activités agricoles du Québec. Le dézonage de celles-ci pour implanter un projet d’infrastructure ou une maison des ainés entrainera la perte d’une ressource essentielle qui affectera grandement la capacité du Québec à réaliser cette autonomie alimentaire.
Nous avons été trop souvent témoins de décisions « à caractères économiques » prises au détriment de la ressource non renouvelable que sont les terres agricoles du Québec. L’Ordre des agronomes souscrit à l’importance de toutes les initiatives qui réduiront les impacts de la récession, cependant ces projets doivent se réaliser en préservant les terres agricoles pour les générations futures. Une terre agricole perdue est une perte inestimable impossible à remplacer.
Dans la Politique bioalimentaire 2018 - 2025 du gouvernement du Québec, l’orientation 4 souligne les engagements du gouvernement du Québec en matière d’agriculture. Elle se définit comme suit : des territoires dynamiques contribuant à la prospérité du bioalimentaire pour alimenter notre monde[1]. Comme nous pouvons le lire dans cette politique, le premier objectif de cette orientation est de : mettre en valeur et pérenniser les terres agricoles pour les générations futures. L’Ordre des agronomes du Québec demande au gouvernement de respecter ses engagements en matière d’agriculture.
Les agronomes ont tenu leurs engagements : depuis la mise en place des règles sanitaires en mars dernier, en quelques jours seulement, les agronomes ont adapté leurs méthodes de travail pour respecter les directives de la Santé publique afin de s’assurer de la protection de leurs clients, de leurs familles et eux-mêmes. Ils ont maintenu une présence dans tous les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire pour contribuer à l’un des plus importants services essentiels : nourrir le monde.
Les agronomes préparent aujourd’hui l’agriculture de demain en s’engageant dans une grande réflexion sur l’agriculture durable. Tout d’abord par la mise sur pied d’un comité d’experts qui se pencheront sur la définition actuelle de l’Ordre en matière d’agriculture durable et, par la suite, un congrès où plusieurs chercheurs et experts viendront présenter des travaux de recherches portant sur des pratiques innovantes et durables. Cette grande réflexion teintera la pratique de l’agronomie au cours des prochaines années. Ces améliorations et changements apportés dans la pratique des agronomes, ne pourront contribuer pleinement à l’autonomie alimentaire du Québec de demain sans la protection du patrimoine que sont les terres agricoles du Québec.
[1] Politique bioalimentaire 2018-2025, p. 76. https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/agriculture-pecheries-alimentation/publications-adm/dossier/politique-bioalimentaire/PO_politiquebioalimentaire_MAPAQ.pdf?1552593128