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Semaine nationale de la conservation des sols

Du 15 au 21 avril, c’est la Semaine nationale de la conservation des sols.

Nous profitons de l’occasion pour vous proposer de découvrir ou de redécouvrir l’article intitulé « 2015, Année internationale des sols » que Gilles Gagné, agronome et pédologue, a rédigé en 2015 pour souligner l’importance des sols, nos « alliés silencieux ».

2015, Année internationale des sols

C’est du sol que provient directement ou indirectement 95 % de la production alimentaire de la planète. Et cette production devra augmenter au cours des prochaines années pour satisfaire aux besoins de la population avec des ressources limitées. On évalue qu’une augmentation de 60 % de la production d’aliments sera nécessaire d’ici 2050 pour soutenir la croissance prévue de la population.

L’Organisation des Nations Unies a donc décrété l’année 2015 Année internationale des sols (AIS) et l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a été désignée pour mettre en œuvre cette AIS à l’échelle mondiale. Plusieurs organismes à travers la planète organisent des activités afin de souligner cet événement qui «vise à accroître la sensibilisation et la compréhension de l’importance des sols pour assurer la sécurité alimentaire et permettre à l’écosystème de remplir ses fonctions essentielles». Les objectifs spécifiques de l’AIS sont de :

  • Sensibiliser pleinement la société civile et les décideurs à l’importance cruciale des sols pour la vie humaine;
  • Instruire le public sur le rôle crucial que jouent les sols dans la sécurité alimentaire, l’adaptation aux changements climatiques et l’atténuation de ses effets, les services écosystémiques essentiels, la réduction de la pauvreté et le développement durable;
  • Soutenir des politiques et des actions efficaces axées sur la gestion et la protection durables des ressources en sols;
  • Promouvoir l’investissement dans les activités de gestion durable des sols afin que les différents utilisateurs de terres et groupes de population puissent disposer de sols en bon état et entretenus;
  • Catalyser des initiatives vers des objectifs de développement durable pour l'après-2015;
  • Plaider en faveur d'un renforcement rapide des capacités de collecte d'information sur les sols et de surveillance à tous les niveaux (mondial, régional et national).

Outre la production d’aliments et de fibres forestières, le sol accomplit plusieurs autres services écosystémiques comme le recyclage de matières, l’épuration des eaux, la dégradation de polluants, la régulation du climat et du cycle de l’eau, le stockage du carbone et la fourniture de matériaux pour des infrastructures. Le sol est un habitat pour la flore, la faune et des milliards de micro-organismes, constituant ainsi un immense réservoir de biodiversité.

Les ressources planétaires en sols de qualité sont limitées et pratiquement non renouvelables. On évalue que 33 % des sols agricoles de la planète ont subi une forme de dégradation : érosion hydrique ou éolienne, compaction, salinisation, acidification, appauvrissement en matières organiques et contamination. Vingt-cinq pour cent des terres agricoles sont considérées comme étant très dégradées. Ceci alors que la vitesse de formation d’un sol n’est que de 1 à 3 cm par 100 à 1000 ans, selon les conditions.

Protéger les sols, maintenir et améliorer leur qualité est une responsabilité collective. Des sols en culture maintenus en santé et vivants requièrent moins d’engrais et de pesticides; ils sont plus résilients face aux phénomènes rattachés aux changements climatiques (sécheresses, pluies diluviennes); ils produisent davantage d’aliments; ils remplissent mieux leurs fonctions écosystémiques; ils retiennent et épurent davantage de polluants potentiels protégeant ainsi les eaux afin de contribuer à une meilleure qualité des rivières, des lacs, des océans et des eaux souterraines. L’augmentation de la production alimentaire passe par l’amélioration de la santé des sols en culture.

Au Québec

Moins de 3 % de la superficie du Québec est propice à l’agriculture puisque de mauvaises conditions associées à des propriétés de sols (acidité, profondeur, pierrosité, faible fertilité, etc.), au climat et au relief limitent la production agricole. La pression de l’urbanisation et de l’industrialisation est l’une des grandes menaces qui guettent nos meilleurs sols agricoles, souvent situés à proximité des villes. Ces sols sont vulnérables à l’artificialisation puisque ce sont des superficies planes constituées de matériaux meubles non contaminés. C’est une bataille constante pour la sauvegarde des sols en culture puisque les retombées économiques potentielles à court terme pour d’autres utilisations sont élevées. En complément de la Loi sur la protection du territoire agricole et des activités agricoles (LPTAA), il faudrait demander des études d’impacts terrain sur les valeurs agronomique et environnementale des sols ciblés et, s’il y a artificialisation, prescrire des mesures compensatoires.

Renforcer les capacités de collecte d'information sur les sols et de surveillance est un des objectifs de l’AIS et ce n’est pas un hasard. La méconnaissance des sols et une gestion non durable mènent à leurs dégradations et à la réduction de leurs fonctions. Au Québec, bien qu’un inventaire des problèmes de dégradation des sols agricoles ait été effectué dans les années 1980, un suivi serait nécessaire pour déterminer l’état actuel de la situation et ainsi mieux orienter les programmes de soutien et de recherche.

Selon moi, nous n’avons pas suffisamment de ressources humaines et financières consacrées à la connaissance, au suivi, au maintien et à l’amélioration de la qualité des sols agricoles du Québec, la base de notre agriculture. Ce sont des investissements rentables à moyen et à long termes qui demandent prévoyance et patience alors que les investissements actuels sont souvent consacrés à des problématiques de court terme.

Les sols en culture font preuve de résilience face aux diverses pressions qu’ils affrontent. Mais lorsqu’ils sont dégradés, et s’il n’est pas trop tard, les mesures de réhabilitation coûtent cher et plusieurs années sont souvent nécessaires. Espérons qu’il ne faudra pas un constat déplorable afin que les décideurs agissent davantage selon les objectifs concrets de l’AIS au bénéfice de l’ensemble de la collectivité québécoise. 

Un sol emblématique pour le Québec?

Les sols du Québec méridional ont des noms. Les différents sols figurant sur les cartes pédologiques sont désignés par des appellations toponymiques comme des noms de village, de rang et de rivière. Il y a actuellement 689 désignations-groupements de sols.

Par exemple, la série de sols Sainte-Rosalie a été caractérisée et cartographiée dans les années 1940. Elle regroupe des sols argileux qui, une fois drainés, sont très productifs pour l’agriculture. Cette série de sols couvre une grande superficie dans la plaine de Montréal, mais c’est dans la région de Sainte-Rosalie qu’elle a été définie et cartographiée pour la première fois. L’Association québécoise de spécialistes en sciences du sol (AQSSS) souhaite que la série de sols Sainte-Rosalie devienne le sol emblématique du Québec, au même titre que ses autres emblèmes, le bouleau jaune, l’arbre emblématique; le harfang des neiges, l’emblème aviaire; et l’iris versicolore, l’emblème floral. Une demande officielle en ce sens a été adressée dernièrement par l’AQSSS au gouvernement du Québec.

Aux États-Unis, tous les états ont leur sol emblème (state soils). Au Canada, le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et le Manitoba ont déjà procédé législativement afin d’ajouter un sol particulier à leurs emblèmes.

En cette Année internationale des sols, dont le premier objectif est de sensibiliser pleinement la société civile et les décideurs à l’importance cruciale des sols pour la vie humaine, la promulgation d’un sol emblématique par nos élus sensibiliserait la population du Québec à l’importance de les connaitre, de les protéger et de les conserver en bonne santé et permettrait de souligner les nombreux services rendus par les sols.

Gilles Gagné, agr.